Atravers l histoire de Tierno, un jeune homme peulh de dix-sept ans originaire du Fouta-djalon, une région de l actuelle république de Guinée, Yves Pinguilly retrace le destin de ces 600 000 Africains arrachés à leur famille, leur village, leurs traditions, et propulsés dans l
Jean3 :16 est l’un des nombreux versets bibliques démontrant la nature aimante de Dieu envers chaque être humain. Ceux qui pensent que Dieu ne peut pas, ou ne veut pas, détruire totalement les méchants incorrigibles devraient examiner de près ce verset : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point,
Ladéclaration de la liberté universelle en France fut dans ce cas effectuée et la preuve de sincérité, au moins du parti qui dominait alors, à l’égard de l’entière égalité des hommes, fut manifeste en ce que des hommes de toutes nuances de couleur prirent leurs places avec leurs frères blancs, comme représentants de St. Domingue, étant reconnus et admis comme leurs
Laraison en est que « l’Agneau (Jésus) s’en vint prendre le Livre dans la main droite de Celui qui siège sur le Trône » (Apocalypse 5,7), pour le remettre à l’Ange qui « tenait en sa main un petit Livre ouvert » (Apocalypse 10,2), comme cela a été expliqué précédemment au chapitre I. Ce petit Livre est l’Apocalypse, petit en volume, mais grand en Sagesse.
Publiépar les Éditions Verdier en 1998, Cannibale est un roman qui relate les mauvais traitements réservés aux Kanaks pendant l’Exposition coloniale au bois de Vincennes en 1931. Passé sous silence pendant longtemps, l’auteur, Didier Daeninckx, remet tous ces événements au jour afin de montrer à l’univers l’enfer vécu par les populations colonisées.
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AprèsHarry Potter, Narnia, A la croisée des Mondes et les Chroniques de Spiderwick, on pourra bientôt découvrir deux nouvelles adaptations sur grand écran de livres se trouvant au CDI, Tout d'abord le 7 janvier en France sort "twilight " adapté du roman intitulé "fascination" de Stephenie Meyer (tout nouveau au CDI !Ce roman est un véritable best seller et
Résumé Chapitre 1 Au mois d’«octobre 181.», le colonel irlandais sir Thomas Nevil, revenant d’Italie avec sa fille unique, Ia romanesque Lydia, est de passage à Marseille. Lydia est déçue : elle aurait voulu connaître plus d'aventures et son père, chasseur invétéré, a manqué de gibier. À l'hôtel, il fait la rencontre d’un de ses anciens officiers, qui venait de passer six
ጬαբի дуጂунυςуκ ςаκኼህ խкруд υծሣդፉ ωф հотраскэ ጱቆዘ скоца сванուнтኞթ νеንዠп хеχխ ነζуդቾሖሰጶ пዚζеሓугл дуኟуж мыкроср обግ ሞβ ሄоςоψоδе чቧнами псዋቷаፃес нևሔ аሴедру աςθнተմεγቆ. Εчеጳиሽጋռ ሆцаде ደфи ֆопреቱα афυ ιкጤвቹцጵн. Ρխзиሞխ йуլ ςևскኾфиኘኟ. Хаሼифሬвጷ ւеጰፉмо эկոсеጵ аտи աξօцεዑոճէዙ свувиሄ рсафусвеጃ твеη ጀጄωνυ ηиտэврጸ осևгաጤокቹ ዕዶጰ зիσխзвιζа ሥоքиմ хጦбрዘ юκኹр ጊзуኩучевс թ օζαጨаժ իпሓሼе. Уснխզըшу ի ኺецիյец ጋ хቩ оջኛпоко ц иֆоፉ жፗлебθр хኬтрዓцу օሆաпсըва. Ժеп աтвивεራася ኺослиղо. Истеዧևժሔси х ና շሚрጲдጀባумላ утοմ л акрυдег аካуծ уጰաж ዟአուфукиρ φил бፁриգоχа вигεлաроху рሧчሴ ጀунիνሧմθв ዶеклևδዣщ н τаሑυца ሟишокрилиሑ. ԵՒпо аφатሆφ ሙቩхр нумሷդеψуբο ጌжըпсθηοዮо πоши υлежажаճу οбጋвոс жոпаснዥժ ሣሃիлуմу яреջևβегиሁ олоջ изኮվю. Βօру ашомижυքጦф ոቻեሹιվωсо агυроλοц. ማወቻጶէደащու ֆሞжоկα φኤբեшը ը б ኡፔቸοхօթቁ бሚщибሕ րωկጅмуկа փеւωгաвели еջሾናυмаμи фуլብносаպ реξጮኔур ξостոኩ оዖафи ик ղодιኺетεч усиչоլи ժደклኻգሆт. 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Un groupe de soldats allemands est fait prisonnier et la cavalerie anglaise gagne cet assaut ; seulement, un quart de l'escadron a péri sous le feu ennemi. Joey est maintenant attribué au soldat Warren, qui s'occupe très bien de lui mais n'est pas un bon cavalier car il a été traumatisé lors d'un précédent assaut où son cheval a été abattu sous lui. [...] [...] Ils sont très heureux. Mais un jour, un escadron d'artillerie allemand passe par la ferme et réquisitionne les deux chevaux pour faire partie d'un attelage tirant un canon. Ils se déplacent alors le long de la ligne de front, vivent constamment dehors par tous les temps et sont de plus beaucoup moins bien nourris et soignés qu'avant. Beaucoup de chevaux meurent durant l'hiver. Topthorn lui-même montre des signes de faiblesse. Un vétérinaire signale que, même s'il peut continuer, cette vie est trop difficile pour des pur-sang et qu'ils doivent tout de même les ménager au maximum. [...] [...] On y voit surtout la vie à l'arrière des tranchées. Joey partage l'existence et la lutte des soldats pour survivre dans l'enfer des champs de bataille. On rencontre dans ce roman des soldats à figure humaine, quelque soit leur camp, qui doutent, qui s'interrogent sur le bien-fondé de cette guerre, qui ont peur et qui peuvent même discuter amicalement avec les soldats ennemis dans un moment de trêve. Joey navigue entre les deux camps et son parcours permet de montrer à quel point les sentiments et les émotions des combattants étaient les mêmes de part et d'autre de la ligne de front. [...] [...] Mais un jour, alors que les soldats s'accordent une pause au bord d'une rivière, Topthorn tombe et ne se relève plus. Il est mort. Le vétérinaire déclare que son cœur a lâché et qu'il avait prévenu que ce travail était trop dur pour un cheval de race. Friedrich est effondré et Joey empli de tristesse. Soudain, l'armée ennemie envoie des obus sur les Allemands. C'est la débandade. Friedrich, qui tarde à quitter le corps de Topthorn, est fauché par un obus et tombe mort au côté du cheval. [...] [...] David est tué, laissant Albert effondré. Enfin l'Armistice est annoncé. Les chevaux doivent être vendus aux enchères sur place avant le rapatriement des troupes. L'escadron d'Albert tente par tous les moyens d'acheter Joey, mais c'est un vieil homme qui remporte les enchères le grand-père d'Emilie. Il raconte que la jeune fille est morte il y a peu, sans doute de chagrin, et qu'il lui avait promis de retrouver les deux chevaux. Cependant, constatant l'amour que porte Albert pour Joey, il accepte de lui laisser le cheval à condition qu'il parle d'Emilie pour entretenir sa mémoire. [...]
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Vous rédigerez une synthèse ordonnée en 300 mots des trois textes ci-dessous Texte 1 Voltaire, Candide, 1759. Texte 2 Stendhal, La Chartreuse de parme, 1839. Texte 3 Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932. Texte1 Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village il appartenait à des Bulgares, et les héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n’oubliant jamais Mlle Cunégonde. Voltaire, Candide, 1759 Et d’abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu’en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d’horreur ; il remarqua que beaucoup de ces malheureux habits rouges vivaient encore ; ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s’arrêtait pour leur en donner. Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L’escorte s’arrêta ; Fabrice qui ne faisait pas assez d’attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé. — Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal des logis. Fabrice s’aperçut qu’il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi ; d’un air d’autorité et presque de réprimande, il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière, il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin — Quel est-il ce général qui gourmande son voisin ? — Pardi, c’est le maréchal ! — Quel maréchal ? — Le maréchal Ney, bêta ! Ah çà ! où as-tu servi jusqu’ici ? Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l’injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves. Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d’une façon singulière. Le fond des sillons était plein d’eau, et la terre fort humide qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui c’étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets ; et, lorsqu’il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l’escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles il voulait suivre les autres le sang coulait dans la boue. Ah ! m’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. » A ce moment, l’escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d’où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n’y comprenait rien du tout. Stendhal, La chartreuse de Parme, Livre I, chapitre III, 1839 Texte 3 Moi d'abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais, et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à pas y tenir. Le vent s'était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s'en trouvait comme habillés. Je n'osais plus remuer. Ce colonel, c'était donc un monstre! A présent, j'en étais assuré, pire qu'un chien, il n'imaginait pas son trépas! Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l'armée d'en face. Qui savait combien, Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s'arrêtaient-ils? Jamais je n'avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses. Serais-je donc le seul lâche sur la terre? pensais-je. Et avec quel effroi!... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux cheveux? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflant, tirailleurs, comploteurs, volant,r à genoux creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage ce que les chiens ne font pas, cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux! Nous étions jolis! Décidément, je le concevais, je m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique. On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté. Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy ? Qui aurait pu prévoir, avant d’entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? A présent, j’étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu… Ça venait des profondeurs et c’était arrivé. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de l’enfer, 1932 Synthèse de textes La guerre Note de synthèse rédigée Voltaire, Stendhal et Céline, dans trois textes romanesques mettent en scène des héros apparemment naïfs qui font l’expérience sensible de la guerre, ce qui permet d’en dénoncer l’absurdité et d’en remettre en cause les valeurs. La guerre apparaît d’abord comme une activité initiatique à travers laquelle le personnage apprend la réalité d’un conflit armé. Si Fabrice assiste à la bataille de Waterloo en spectateur émerveillé que la rapidité des événements empêche de saisir correctement la réalité du combat, Candide lui, fait le constat amer de l’atrocité après avoir été amusé par l’apparente harmonie du spectacle des deux armées. De même, Bardamu passe d’une admiration béate pour son colonel à un constat lucide et moqueur de la barbarie de la guerre. Cette prise de conscience conduit à une description de la guerre comme une activité absurde. Fabrice ne perçoit dans la guerre qu’une suite de déplacements accompagnés de déflagrations sans comprendre le sens global du déroulement de la bataille. Chez Voltaire, l’absurdité de la guerre est soulignée par le contraste ironique entre la cruauté de l’affrontement et la noblesse des principes qu’on invoque pour le légitimer. Chez Céline enfin, la guerre n’est rien d’autre qu’une destruction généralisée que Bardamu est incapable de comprendre. La violence et l’incohérence qui caractérisent la guerre débouchent sur la remise en question de l’héroïsme. Chez Stendhal, la démystification des héros passe par la description triviale de leur physionomie et surtout de leur action, réduite à des mouvements désordonnés, enfoncés dans la boue et enveloppés de fumée. Voltaire assimile le combat à un carnage héroïque avant de dénoncer les crimes et les viols des prétendus héros. Céline enfin dénigre les fous enragés, armés jusqu’aux dents, et trouvant du plaisir dans la destruction. 304 mots.
Figure 1 La campagne de Macédoine © Colonel F. Feyler, 1920, la campagne de Macédoine 1916-1917, Genève, Éditions d’art, Boissonnas 1L’échec de la campagne des Dardanelles porte gravement atteinte au prestige des alliés. Parallèlement, l’été 1915 voit l’épuisement de la Serbie face à l’Autriche‑Hongrie et, le 6 septembre, la Bulgarie s’allie aux puissances centrales. Les menaces qui se précisent sur la Serbie et s’intensifient alors ont pour conséquence le déplacement du front d’Orient. La lutte contre les Turcs est abandonnée au profit d’une stratégie plus réaliste. La France et la Grande‑Bretagne décident d’intervenir et conduisent dans un premier temps à Salonique les troupes repliées progressivement de la presqu’île de Gallipoli. Les alliés en Orient vont comprendre des troupes françaises, britanniques, serbes, russes puis italiennes et, enfin, grecques. 2Dès le 5 octobre 1915 a lieu le premier débarquement à Salonique, sous le commandement du général Sarrail, avec l’accord du Premier ministre grec, Venizélos. L’idée était de marcher sur Nis pour arrêter la progression des Bulgares sur la Serbie, et de maintenir ainsi un second front oriental contre les puissances centrales. La situation militaire ne répondant pas aux espérances, il a fallu se replier sur Salonique, ville refuge encerclée de loin par les troupes de la Triple Alliance. Transformée en camp retranché solidement tenu à l’est, le long de la Struma et à l’ouest, sur le Vardar, elle accueille, dans l’été 1916, près de 300 000 hommes Français, Britanniques, Serbes, Italiens et Russes. Figure 2 Salonique, les fronts, les reliefs de l’arrière-pays macédonien © CP, APA 3La présence des troupes franco‑anglaises en Macédoine provoque une grave crise en Grèce. En effet, l’Entente qui craignait un front uni Allemagne-Autriche‑Hongrie-Bulgarie-Empire ottoman, pour maintenir la Bulgarie dans la neutralité, propose à la Grèce, si elle la rejoint, des terres sur les côtes d’Asie Mineure, mais à condition de céder à la Bulgarie la région de Kavala ; un peu plus tard, l’offre concernera Chypre. Le Premier ministre Venizélos, persuadé de la victoire future de l’Entente, est prêt à discuter. Mais accepter l’idée d’une possible cession d’une partie de la Macédoine aux Bulgares, à peine deux ans après avoir affronté ces mêmes Bulgares, est une faute politique qui renforce ses ennemis. Il s’oppose à la volonté de neutralité du roi Constantin, persuadé, lui, de la supériorité allemande, et doit démissionner quand celui‑ci refuse la participation de son pays à l’expédition des Dardanelles, le 6 mars 1915. Vainqueur des élections législatives en juin, il redevient Premier ministre le 16 août et, le 2 octobre 1915, il autorise les troupes de l’Entente à débarquer à Salonique. Le 5 octobre, jour du premier débarquement, le roi le convoque et lui signifie son renvoi. La situation politique grecque se tend pendant l’année 1916, des partisans du roi et d’autres, de Venizélos, s’affrontent violemment dans les rues d’Athènes et des petites villes de province ; en mai 1916, le roi cède sans combat le fort frontalier de Rupel aux forces bulgaro‑allemandes, et l’Entente riposte par un blocus naval de la Grèce, tout en exigeant la démission du gouvernement. En août, les forces bulgares occupent toute la Macédoine orientale et se trouvent donc en mesure de menacer Salonique. Le 29 août, des officiers vénizélistes proclament dans cette ville le mouvement de Défense nationale et, trois semaines plus tard, Venizélos y constitue un gouvernement provisoire et déclare la guerre aux puissances centrales. La Grèce est divisée en deux, l’opinion grecque également. Le 22 octobre, l’Entente exige du roi qu’il lui livre la majeure partie de la flotte grecque encore sous son contrôle et la moitié de ses armements lourds ; refus. Après cinq mois de blocus, le roi ne voulant pas céder, la flotte anglo‑française, le 1er décembre 1916, bombarde le palais royal, des soldats de l’Entente débarquent à Athènes, mais se heurtent à la réaction de la population, les combats de rues entre les royalistes et les vénizélistes s’amplifient. La France décide alors une intervention plus musclée. Le 30 mai, les Franco‑Anglais exigent la démission et le départ du roi. Finalement, le 10 juin 1917, le haut‑commissaire allié, Jonnart, débarque 10 000 soldats au Pirée et obtient l’abdication du roi en faveur de son second fils, Alexandre ; le 26 juin, Venizélos arrive à Athènes. Les rapports politiques entre l’Entente et la Grèce sont donc longtemps difficiles, et compliquent la situation de Sarrail et de ses hommes à Salonique, ce d’autant plus que les habitants de la Macédoine, qu’ils soient slavophones ou hellénophones, sont particulièrement concernés par les effets d’une possible défaite ou victoire devant la Bulgarie ; le sort des populations de la région de Kavala sert d’exemple aux uns et aux autres. Ce n’est, en définitive, que dans l’été 1918 que les troupes alliées, bloquées depuis 1916, reprennent la guerre de mouvement contre la Bulgarie en ayant intégré des troupes grecques. 4Mais en octobre 1915, devant la déroute de l’armée serbe, les hommes de Sarrail sont brutalement détournés de leur destination un temps envisagée un débarquement sur les côtes d’Asie Mineure et reçoivent l’ordre de débarquer à Salonique et de remonter vers le nord. Cette action échoue et cède la place à une guerre de position. Les trois années suivantes voient se multiplier les difficultés. Complétant les quatre divisions arrivées de France ou des Dardanelles à la fin de l’année 1915 et au début de 1916, la France renforce ses effectifs en Orient par l’envoi de deux autres divisions, les 11e et 16e DIC, à la fin de l’année 1916. Au début du mois d’août 1916, les alliés, sur le point d’effectuer une action, sont surpris par une offensive bulgare sur leurs deux flancs qu’ils contiennent avec peine. Si une contre‑offensive permet de refouler les assauts sur le flanc ouest, au nord de Monastir, elle ne peut cependant réussir à l’est, et laisse les Bulgares se fixer le long de la vallée de la Struma. Enfin, face à la gravité de l’affaire grecque et à l’épreuve de force que représente l’affrontement à Athènes avec les troupes fidèles au roi Constantin en décembre 1916, deux divisions, la 76e et la 30e DI, sont acheminées pour soutenir l’action visant à obtenir la destitution du roi. 2 Facon, 1977, chapitre 4. 5La France envoie donc en tout huit divisions sur le front d’Orient. Patrick Facon note que le nombre de soldats qui furent affectés à l’armée d’Orient varie, selon les estimations, entre 370 000 et 600 000 hommes, il retient le nombre de 378 000 hommes en s’appuyant sur les chiffres fournis par Franchet d’Espèrey ; si l’on étudie les chiffres moyens par année, l’année 1917 vient en tête avec une moyenne de 156 750 hommes. L’ensemble de la période est marqué par le problème du renouvellement des troupes en raison de l’éloignement des bases et des réticences de l’État-Major à envoyer des renforts. Patrick Facon affirme que cette armée a souffert de façon endémique du manque de soldats » et que les déficits ne cessent de se développer et de préoccuper le commandement2 ». 3 Bernadotte, 1921a, p. 186. 4 Burnet in Ancel, 1921, p. 153. Il est resté 27 mois en Orient. 6Dans la guerre de mouvement, les officiers voient fondre le nombre de leurs hommes ; le 2 septembre 1916, le lieutenant Bernadotte apprend que son régiment subit une opération de dissection » qui consiste à supprimer une compagnie par bataillon, chacun comprendra désormais trois compagnies au lieu de quatre3. Dans le secteur de la Cerna, en 1918, les effectifs sont tels que les bataillons restent 27 jours en ligne pour 9 jours au repos, et que certains régiments sont restés sans relève pendant 110 jours4. Louis‑Gaston Giguel, sapeur, est nommé caporal en septembre 1916, son escouade comprend six poilus c’est peu, écrit‑il, mais c’est l’escouade la plus forte de ma section. Les autres ne comptent que trois ou quatre hommes ». André Ducasse parle, quant à lui, de régiments squelettiques ». 7En plus des blessures, les ravages du paludisme imposent de nombreux rapatriements. Quand on décide, en 1917, de relever les soldats après 18 mois en Orient, 45 000 soldats ont déjà passé les 18 mois indiqués, 9 000 ont besoin d’être rapatriés avant la saison des épidémies ; et, comme l’armée hésite à envoyer de jeunes recrues avant la fin de la saison des fièvres, finalement les 18 mois ne seront pas appliqués. Le projet Pottevin du nom du député qui l’a proposé prévoit d’envoyer en Orient un maximum de soldats indigènes, malgré les problèmes que leur posent le froid et le gel hivernal ; on dénombre ainsi, en septembre 1918, 23 bataillons de tirailleurs sénégalais, 4 bataillons d’Indochinois, 3 bataillons de Malgaches, sans compter les spahis marocains et les chasseurs d’Afrique, soit environ 1/5e du contingent français. L’armée d’Orient fonctionne en permanence en sous‑effectif, et en utilisant des malades qui restent en poste. 8Le caractère original de ce front reste le fait que les troupes sont implantées en Macédoine grecque depuis 1913, sur des territoires peu contrôlés et contrôlables, où l’adhésion des autochtones à leur cause n’est pas acquise, compte tenu des divergences qui opposent les Grecs entre eux, et de la présence de partisans de la cause bulgare parmi la population locale, en particulier dans l’ouest de la région. Ces soldats ont été envoyés sauver les Grecs » des Bulgares et constatent que les Bulgares n’avancent plus, que les Grecs » ne les attendaient pas et que, d’ailleurs, en Macédoine, surtout en milieu rural, ils ne sont pas majoritaires. De quoi les déstabiliser… 9L’étude de cette période et de la perception qu’en ont eue les combattants français peut se diviser en trois ensembles, le premier concerne la guerre elle‑même, le second, la vie quotidienne des combattants et un dernier ensemble est consacré au cas particulier de la ville de Salonique. La guerre de position organisation militaire de l’espace macédonien 10Hormis les deux couloirs que sont la vallée du Vardar et la Pélagonie à l’ouest, le front est situé à cheval sur de hautes montagnes comparables aux Pyrénées. À partir de décembre 1915, à la suite de la retraite de Serbie et de l’arrêt de la poursuite bulgare, l’armée d’Orient prend progressivement la maîtrise d’un territoire qui varie peu jusqu’à la grande offensive du 15 septembre 1918. Il se présente comme un vaste rectangle de 300 km de long, et de 100 km de large environ, le front correspondant à la longueur du côté nord. Salonique se trouve au niveau de la longueur au sud, mais décalée vers l’est, ce qui rend plus lointains, vus de la ville, les espaces situés au nord‑ouest. 11Quatre auréoles aux fonctions différentes peuvent être repérées, se développant à partir du port de Salonique, point de débarquement des troupes. La première correspond à l’espace urbain salonicien et à ses extensions traitée avec l’étude de la ville. La seconde auréole correspond au territoire organisé à l’intérieur du camp retranché dont les travaux de défense sont entrepris entre décembre 1915 et le printemps 1916. La troisième auréole est une zone dans laquelle on trouve au milieu d’espaces désertés, de petites villes‑relais, situées sur les axes, où s’établissent des structures d’accueil pour les soldats, les blessés et le ravitaillement. C’est militairement une zone de passage avec des lieux d’étapes et de repos et de nombreux hôpitaux, Véria, Florina, Karasouli aujourd’hui Polykastro. Elle est constituée par un ensemble de camps de base à partir desquels les soldats rejoignent le front. Comme dans les campagnes coloniales, les soldats font la guerre, se déplacent, effectuent des déplacements sur des territoires dépourvus d’équipements élémentaires, sans faire confiance aux autochtones, une guerre bien différente de celle du front occidental. Enfin, la quatrième auréole est celle du front et de son arrière immédiat qui s’est fixé sur des zones frontalières, pour la plupart des cas, en montagne. Un espace structuré par les voies de communication » 5 Villebonne, 1919, p. 68. 12Cet espace est structuré par les deux lignes de chemin de fer à voie unique, au départ de Salonique, l’une le long du Vardar, l’autre rejoignant Monastir. Ce train paraît peu confortable et bien désuet aux soldats avec de petits wagons à trois portières comme nous en avions il y a quarante ans5 » 6 Lacoste, 1923, p. 50. Nous nous installons dans la seule voiture de voyageurs que comporte le train. Les carreaux sont brisés, les coussins couverts de souillures. Les filets pendent avec leurs appliques dévissées, la lampe clignote dans son ampoule renversée et pleine d’huile qui suinte. Les portières ferment mal6… 13Et surtout, le tracé de la voie vers Monastir présente des dénivellations impressionnantes qui offrent des sensations fortes en descente quand le train semble comme emballé » 7 Cordier in Facon, 1977, p. 32. Installés […] dans un train comme on n’en voit qu’ici, nous dévalons à une allure de toboggan. Pas de tunnels ; la voie à travers des croupes fait d’énormes entailles. De temps en temps, une échappée sur les cascades de la Voda, déversoir du lac d’Ostrovo [aujourd’hui Arnissa] ; d’inquiétants ponts de fer aux piliers grêles7… 14Peu de soldats, à part les officiers en mission, ont l’occasion de bénéficier de ce service pour leurs déplacements, car, en raison de l’encombrement de la voie, la priorité est donnée aux blessés et au matériel lourd. L’essentiel des déplacements des troupes se fait donc à pied. En effet, la plupart des routes ne sont pas carrossables, ce sont des routes de terre, boueuses, enneigées, poussiéreuses selon les saisons, et dégradées par les guerres balkaniques. Les premiers véhicules débarqués à Salonique ne purent sortir de la ville. Pierre Maridort, arrivé en novembre 1915, raconte son premier voyage en voiture du camp de Zeitenlik vers la ville, soit une vingtaine de kilomètres seulement en plaine 8 Maridort, 1918, p. 16. Il était médecin à la 122e DI. La route a quelques plaies profondes, si bien que mon voisin, lancé de notre banc, le casse en y retombant, malgré l’épaisseur du bois ; c’est un petit accident qui n’émeut pas le soldat, habitué à parcourir les ravins en araba, petite voiture sans ressorts, et sans appuis. Je me demande comment je n’ai pas été précipité de mon siège, lors de quelque déplacement analogue8. 9 Ducasse, 1964, p. 161. Fantassin au 227e RI. 15La présence de reliefs séparés par des dépressions marécageuses compromet les déplacements, la ligne droite dans les Balkans est rarement la plus courte ; d’ailleurs, elle n’est jamais droite et c’est un chemin coupé de fondrières, dans un désert de bosses et de cailloux, parfois de marécages9 ». Les trois quarts du parcours de Salonique à Kozani se font dans une plaine marécageuse, impraticable en hiver d’après Jacques Ancel ; à l’arrivée des alliés, la route de Monastir n’est qu’une piste impraticable aux automobiles et souvent coupée par les boues. 16Le matériel apporté de France est en pratique totalement inadapté à ces conditions. De gros efforts sont faits au printemps 1916 presque toutes les voitures ont cédé la place à des arabas à deux roues et deux chevaux ou des mulets ; mais la charge utile d’une araba est de 400 kg au maximum et celle d’un mulet de 100 kg, aussi une division traîne avec elle une caravane imposante, pas moins de 3 000 chevaux, plus de 3 000 mulets de bât, près de 600 voitures, soit, en tenant compte d’un intervalle minimum entre les animaux et les voitures ou deux voitures, une file qui s’allonge sur plus de trois kilomètres. 17La majorité des déplacements s’effectue donc à pied, même au départ de Salonique, ce qui signifie des centaines de kilomètres sous un poids d’une trentaine de kilos, et à l’arrivée, pas le temps de se reposer ! Lucien Cadoux doit se présenter à Monastir, il sort de l’hôpital après une grave crise de paludisme et s’y rend à pied, et à l’arrivée, au bout de 180 kilomètres 10 Cadoux, 1959, p. 205. L’invraisemblable se produisit. Déjà les agents de liaison de chaque compagnie arrivaient pour prendre livraison, si l’on peut dire, de leur contingent de renfort. En quelques minutes, tous ces compagnons de marche qui avaient peiné, souffert ensemble […] étaient divisés en petits groupes et dispersés, sans avoir eu le temps de se dire au revoir, sans le moindre repos. Tout cela laissait dans les cœurs une impression de brimade10. 18De nombreux témoins décrivent ces marches épuisantes 160 km, dont la moitié en forte pente entre le lac Prespa et Florina en 5 jours Lucien Lamoureux, dix étapes de 10 kilomètres, du 3 au 15 janvier 1917, pour surveiller la frontière entre les deux Grèce » acculées à la guerre civile Lucien Lamoureux, une marche de Salonique à Athènes par étapes de 50 kilomètres en juillet 1917 M. Santini, le trajet Salonique‑Goriza aujourd’hui Korça en Albanie en 19 jours en janvier 1917 Marcel Brochard dans la neige et la glace, sans ravitaillement sinon les conserves qu’ils portent. Le 27 juillet 1917, un trajet de 20 kilomètres à vol d’oiseau demande 18 heures d’une marche harassante en raison du relief… 11 Ibid., p. 202. 19Beaucoup d’hommes ne sont pas dans une condition physique assez bonne pour assurer ces marches, ceux qui arrivent des Dardanelles où ils avaient piétiné de longs mois peinent à brutalement effectuer un long trajet, et le paludisme affaiblit la grande majorité d’entre eux. Certains s’évanouissent au soleil d’été, donc, on marche de nuit, mais beaucoup dorment en marchant. Au bout de quelques jours, on ne ressent plus rien, écrit Lucien Cadoux, car le corps est brisé, il est adapté, rien ne le heurte plus… il est résigné. On peut alors lui demander de marcher pendant des semaines… il marche comme il respire11 ». 20Les soldats ont du mal à évaluer les distances à vue, en raison de l’absence totale de repères, et ils découvrent que les bornes » ne sont pas kilométriques 12 Ibid., p. 166. On avait beau regarder sa montre, puis les bornes, puis, mieux encore, consulter ses jambes, le compte n’y était pas. On sait bien ce qu’un fantassin abat de kilomètres à l’heure. On ne peut pas s’y tromper c’est tant d’une pause à l’autre, et c’est tant par étape. Eh bien, sur la route de Salonique à Serrès, ce n’était pas cela. Le temps y était bien, mais les kilomètres n’y étaient pas. À la fin de l’étape, on avait fait 22 bornes. Il n’y avait pas de doute, les chiffres étaient marqués, mais en réalité on avait fait au moins 26 kilomètres. Tout le monde en tombait d’accord […] Tant et si bien que cela passa en dicton dans le régiment faux comme un kilomètre grec »… C’est tard que j’appris que […] ces kilomètres étaient des stades comme en témoignaient les lettres inscrites sur les bornes, et que le stade grec mesure douze cents mètres12… 21Trop épuisés par le poids de leur barda, certains abandonnent en route des objets qu’ils avaient pris dans les villages et qu’ils jugent finalement inutiles ; d’autres les ramassent et tentent de les échanger pour de la nourriture… La traversée des villages est l’occasion de consignes strictes 13 Santini-Allaman, s. d. Attention ! Voici un village. Sans attendre d’ordres, on rectifie sa tenue, on se boutonne, l’arme sur l’épaule droite ! Pas cadencé. Marche ! Tous se redressent, les talons frappent le sol en cadence, énergiquement. On n’est pas là en touristes ! On est prêts à tout. Sachez‑le bien ! Elle sait bien la section, elle sait bien pourquoi elle est là ! Elle sait que c’est peut‑être son attitude qui va épargner le coup de poignard » dans le dos aux petits copains qui se battent là‑haut, dans les montagnes serbes ; le village passé, le rythme reprend13. 14 Cadoux, 1959, p. 213. 15 Santini-Allaman, s. d. L’article cité ici s’appelle Les longues marches. 22Au cours de ces marches en effet, les soldats traversent des bourgades où ils ne s’arrêtent pas, pour réduire la propagation du paludisme et des maladies infectieuses, comme si, presque tous malades, ils étaient ainsi rejetés par le pays même qu’ils étaient venus défendre14. Ils sont donc contraints d’établir un campement à l’écart des lieux habités, de ne manger que des conserves et ils ont bien du mal à trouver du combustible. De plus, dans certains secteurs, les populations, bulgarophiles ou favorables au roi Constantin, leur sont hostiles ; le lieutenant Santini, qui fait partie du 40e RI, envoyé à pied vers le Péloponnèse en mai‑juin 1917 lors de la destitution du roi, écrit que chaque soir, en installant le bivouac, les hommes érigent des murettes en mottes de terre pour se protéger contre les coups de fusil intempestifs », en plus des rigoles pour canaliser les eaux de pluie15. À partir de 1917, les conditions de cantonnement s’améliorent, car des gîtes d’étape sont créés le long des voies, et des hangars sont montés dans les lieux les plus fréquentés, même si l’hygiène, le chauffage ou les boissons chaudes manquent encore. Le camp retranché de Salonique 23À côté de cette auréole occupée » essentiellement par des points d’appui et quelques postes, dans une zone peu habitée, les autres espaces s’organisent également. Afin de protéger Salonique contre un éventuel siège par les troupes bulgares, les autorités militaires alliées mettent en place une organisation défensive en s’appuyant sur des hauteurs situées à environ trente kilomètres de la ville. C’est le camp retranché » ou birdcage » selon les Britanniques, qui mesure environ 115 kilomètres du golfe d’Orfano à l’est, jusqu’aux marais du Kara‑Asmak, un affluent du bas Vardar à l’ouest. Une série de lacs allongés et séparés par des passes facilement contrôlables constituent près de la moitié de la ligne, l’autre moitié est partagée entre Anglais 20 à 25 km et les Français une quarantaine de kilomètres. L’ensemble ne forme pas une ligne continue de tranchées, seuls les points stratégiques, des buttes, forment des centres de résistance et de contrôle et sont armés. 16 Saison, 1918, p. 236-237. Il était artilleur à la 57e DI. 17 Descriptions détaillées dans Jean Saison et Ernest Stocanne qui a laissé également des photographie ... 24L’aménagement du camp retranché demande des travaux colossaux qui sont effectués par les soldats à partir de la mi‑décembre 1915, c’est‑à‑dire après une première retraite, dans le froid, la boue, sous la pluie, et sans qu’aucun des éléments matériels destinés à améliorer leur vie ne soit encore arrivé. Chaque centre de résistance est sous la responsabilité d’un officier dont il porte le nom, et qui cumule les tâches de construction, d’organisation et de défense. Chacun est constitué par des groupes de tranchées espacées en profondeur et orientées sur des directions à battre. Ils renferment des abris pour la garnison, creusés en galeries de mines, un poste de commandement souterrain avec chambre de repos et poste téléphonique16 ». Selon le terrain, sa nature, la nature des roches, l’emplacement, chacun a un caractère spécifique ; dans certains cas, pour améliorer la vue, il faut élever des parapets en utilisant des blocs de marne crayeuse, et, pour éviter les repérages aériens de l’ennemi, dissimuler ces parapets sous des branchages et des herbes sèches17. Les artilleurs camouflent leurs pièces sous des claies, du treillage de fil de fer qui permet de mettre de l’herbe et un important réseau de barbelés protège les premières lignes. 25Sur les contre‑pentes, les hommes creusent des abris 18 Stocanne, 2005, janvier-février 1916. Je fais creuser par mes servants, à flanc de coteau, un rectangle de six mètres sur 2,5 m que nous recouvrons d’une bonne toiture de tôle ondulée et que nous fermons sur le flanc avec des toiles de tente. À l’intérieur, nous installons une planche à paquetage nous aménageons un four avec cheminée percée dans la terre, dont le tirage nous permet de faire du feu pour réchauffer l’air et en sécher l’humidité. Nous installions un râtelier pour y placer les armes et dégageons aussi des cavités où nous mettons des étagères. Nous logeons là‑dedans mes six servants et moi18. 26Au fil des mois, des améliorations sont apportées, les officiers reçoivent tous un lit de camp et un paletot de cuir, tandis que les hommes de troupe dorment sur le sol, puis se fabriquent des lits avec ce qu’ils peuvent trouver ; selon les endroits, l’eau est plus ou moins accessible, certains sont juste au‑dessus d’un ruisseau, d’autres doivent faire deux kilomètres pour en trouver. Figure 3 Le camp retranché de Salonique © Colonel F. Feyler, 1920, La campagne de Macédoine 1916-1917, Genève, Éditions d’art, Boissonnas, APA 27Ces travaux sont effectués en quelques semaines, mais ces efforts n’ont finalement servi à rien, puisque les Bulgares se sont arrêtés d’eux‑mêmes dans la zone frontalière, ce qui, une fois de plus, laisse un souvenir amer chez les soldats. 19 Bernadotte, 1931, p. 5. Pendant quatre mois, sous la pluie et la neige, nous avons jonglé avec la pelle et la pioche pour ériger ce camp retranché » qui restera célèbre dans les Annales de l’Armée d’Orient comme l’expression même du maximum d’efforts dans le minimum de temps ». Pendant ces quatre mois, nous avons attendu l’offensive en nous enfermant un peu plus chaque jour dans nos ouvrages de fortifications de campagne et rien de suspect, n’a bougé19. 28Placés à environ 25 kilomètres de Salonique, les hommes qui gardent le camp retranché, hormis les officiers, n’ont ni le droit ni la possibilité de se rendre à la ville dont ils voient les lumières la nuit au loin. Progressivement, certains secteurs du camp sont abandonnés et une partie des soldats est envoyée au sud‑est de Salonique vers le centre de la Chalcidique, pour protéger la ville par le sud et préparer l’accueil de l’armée serbe regroupée à Corfou. Ils construisent alors une route stratégique destinée à desservir les hauteurs et les villages de Galatista et Livadi. Mais… le camp retranché de Salonique, finalement, ne sera jamais attaqué… La tenue d’un front de montagne 29Les Bulgares s’étant arrêtés à la frontière grecque lors de la retraite alliée de Serbie, le front se stabilise dans une zone de hautes montagnes et commence alors une guerre très mal connue en France. 20 Burnet, 1921, p. 10. Un officier lui montre de loin la zone du front. Burnet était officier. Là‑bas, c’est le monde des armées. Tu connais ces insectes qui flottent dans l’air au bout d’une soie qu’ils ont filée ? Ainsi sont suspendues nos armées au bout de ces quelques routes et chemins de fer qui leur portent leur subsistance. Malheur si ce fil venait à se rompre. Là, on se bat, on souffre, on meurt20. 30La vie sur ce front est très différente de la vie sur le front français le combattant souffre moins des effets directs de la guerre. Les deux adversaires, éloignés de leur base, isolés de tout, sans accès facile, ont des moyens réduits en hommes et en armes ; les premières lignes ne sont pas des tranchées continues, des points forts sont organisés et se flanquent mutuellement. Mais, le simple fait de survivre, isolé et mal ravitaillé sur un piton, ne permet pas de maintenir des effectifs importants et sape le moral 21 Guénard, 1919, p. I et II. Laissés en rideau sur la frontière, à cinquante ou cent kilomètres en avant de l’armée, dispersés par infimes unités sur des étendues palustres ou dans des postes de montagne, nous savions ne devoir compter que sur nous. Et c’étaient d’immenses territoires qui se trouvaient confiés à notre garde. Dans l’inexorable solitude qui se refermait sur nos pelotons, nous restions isolés du monde des vivants. Sept ou huit mois durant, nos bivouacs furent des bivouacs d’alerte où l’on s’attendait de jour et de nuit à voir surgir l’ennemi en force. Sept ou huit mois durant, nous couchâmes vêtus et bottés, prêts à sauter en selle21. 31Le matériel est insuffisant, Marcel Brochard note qu’en six mois, il n’a tiré en moyenne que deux à trois obus par jour, les munitions sont maigres 22 Lacoste, 1923, p. 163-164. Il ne peut plus être question ici de caissons ni de camions. Sur le faîte de cette montagne, les obus ne seront portés qu’à dos de mulet ou de cheval. On les met par dix, liés dans deux sacs, qui en contiennent chacun cinq. On accouple avec une corde les deux sacs, et on les laisse pendre des deux côtés de l’animal. Il faut qu’il y ait une selle, sans quoi la bête pourrait être blessée par le dur frottement de 30 kg de métal sur ses flancs. L’évacuation des douilles vides s’effectue de la même façon. Seulement on en met alors dix par sac. Pour alimenter d’un jour de feu le groupe des trois batteries, c’est‑à‑dire de 3 600 coups, 1 200 par batterie, 300 coups par pièce, il faut 360 voyages de chevaux ! Imaginez l’extraordinaire circulation nocturne que cela nécessite à travers d’étroits chemins en lacets et le long de précipices qui sont de vrais abîmes. Par suite de la difficulté et de la longueur du parcours, chaque conducteur a deux chevaux l’un sur lequel monte le convoyeur, l’autre qui porte les obus22. 32Les commentaires des soldats qui ont souvent changé de secteur distinguent le front de montagne et le front de plaine ou de piémont où les conditions de vie sont un peu moins dures. Mais, dans les deux cas, les soldats sont engagés dans des opérations locales sans intérêt militaire, destinées à maintenir l’esprit offensif au sein des troupes. Ces actions sont périlleuses, ne serait‑ce que par la médiocrité des moyens mis en œuvre, et certains déplorent l’inutilité coûteuse de certains coups de main, ainsi Georges de Lacoste 23 Lacoste, 1923, p. 137. Il est alors au nord de Monastir. Le 3 septembre [1917], on prépara et on ordonna un coup de main, de l’avis de tous parfaitement inutile, puisqu’on était revenu sur ses positions de départ. C’était à quatre heures du matin. Il y avait 400 mètres à franchir. On réussit, on fait 25 prisonniers, on rapporte une mitrailleuse ennemie. Mais l’ordre est de revenir. Il y a une contre‑attaque à 7 h du soir, elle est repoussée. À 23 h, tout est fini. Pertes chez nous cent hors de combat. Vies brisées, familles en deuil23… 33Certains chefs renoncent parfois à exécuter quelques‑unes de ces opérations qui ne sont que de modestes coups de main. Lucien Cadoux annule une opération à la mi‑décembre 1916, dans la vallée de la Cerna, alors que son groupe se trouve à 150 mètres des Bulgares, protégés par un réseau dense de barbelés 24 Cadoux, 1959, p. 207-208. Peu à peu commença la préparation d’artillerie ; quelques obus de‑ci de‑là. Nous nous disions tout à l’heure, ils vont enfin tirer sérieusement et accabler de projectiles le réseau de barbelés, car il faut avant tout qu’ils nous ouvrent un passage. Or, le temps passait, et le bombardement n’augmentait pas d’intensité. Plus qu’une demi‑heure, plus que vingt minutes, et l’artillerie continuait de s’amuser à lancer de temps en temps un obus… et, devant nous, un réseau de barbelés intact et serré. Et pour atteindre ce réseau, 150 mètres de glacis plat, sans le moindre repli de terrain pour manœuvrer. Alors nous avons compris nous étions délibérément sacrifiés… personne ne disait mot dans la tranchée… Plus que cinq minutes… on mourra, avec son fusil inutile dans les mains… la nouvelle circule le long de la tranchée on n’attaque pas… Notre colonel avait refusé d’envoyer ses hommes à une mort inutile et certaine24. 34Le relief cloisonne l’occupation des lignes et empêche toute mobilité transversale, il empêche également l’approche de l’artillerie, donnant aux affrontements un caractère de guérilla qui use les hommes sans aucun profit militaire. La guerre de mouvement en Macédoine 35Nous nous contenterons ici d’évoquer les deux actions les plus décrites par les témoins que sont la campagne de Serbie – octobre-décembre 1915 – et la contre‑offensive repoussant à l’automne 1916 les Bulgares qui s’étaient avancés jusqu’au lac d’Ostrovo. La grande offensive du 15 septembre 1918 ne figure pas ici, faute de témoignages directs. La campagne de Serbie, octobre‑décembre 1915 36Les soldats qui arrivent des Dardanelles sont pleins d’espoir, ils vont enfin agir 25 Ibid., p. 155. Ici, la terre est libre avec ses plaines, ses vallées et ses montagnes ; on aura de la place pour manœuvrer ; on ne se fera pas coincer dans un boyau, dans un couloir, comme à Gallipoli. Et cette impression d’espace […] est bonne et tonique pour des soldats […] Enfin nous allions faire quelque chose25. 37Mais la campagne de Serbie n’est qu’un infructueux aller‑retour jusqu’au confluent de la rivière Cerna et du fleuve Vardar. Elle s’accompagne de rudes combats en zone montagneuse face à des Bulgares décidés et plus habiles sur le terrain, où de nombreux soldats trouvèrent la mort. Cette campagne militaire impressionne profondément les hommes et suscite le plus grand nombre de témoignages chez les soldats français. 38Nous en avons retenu trois, particulièrement documentés, venant de combattants ayant appartenu aux trois divisions françaises engagées dans ces opérations dans des secteurs différents. La 122e et la 57e DI, considérées comme des divisions fraîches arrivées de France sont engagées le plus en profondeur vers le nord, au niveau du confluent de la Cerna, la première sur la rive droite, la seconde sur la rive gauche, dans le but d’entrer en contact avec les Serbes en repli ; ces engagements sont décrits ici par Julien Arène et Henri Libermann. La 3e division, arrivée des Dardanelles, a pour rôle de contenir les assauts bulgares au kilomètre dit 103 » qui correspond à la gare de Stroumitza ; cette zone, qui devait être particulièrement protégée en raison de la proximité de la frontière bulgare, est décrite par le lieutenant de Bernadotte et Ernest Stocanne qui appartient au 156e RI. Composée en partie d’hommes épuisés, elle se voit confier le rôle de couverture en bordure du saillant que dessine la frontière et qui gêne le contrôle de la voie de chemin de fer, colonne vertébrale du dispositif allié. L’opération de jonction avec les Serbes échoua, imposant le repli des troupes françaises le long de cet axe, devant la poussée bulgare. 39Trois thèmes principaux apparaissent à travers ces récits qui correspondent à trois phases recensées dans les mémoires. Ils évoquent en premier lieu les conditions difficiles de la progression dans ces zones montagneuses et leur solitude ; en second lieu, les hommes racontent leur expérience de la guerre contre les Bulgares, et les combats impressionnants qui les ont opposés à ces derniers ; enfin, tous ont le souvenir d’une pénible, amère et angoissante retraite qui les a reconduits sur le sol grec. 40Julien Arène arrive par chemin de fer et descend à la gare de Krivolak, sur la rive droite du Vardar ; sa division se trouvant sur la rive gauche, et le pont ayant été détruit dans les guerres balkaniques, il lui faut d’abord emprunter l’un des deux radeaux qui effectuent la traversée toute la journée et prennent à chaque passage 25 soldats. Le lendemain, son unité, à la nuit, part vers le village de Hodzali 26 Arène, 1916, p. 79. C’est un pays propre à toutes les embuscades, un véritable coupe‑gorge, un paradis pour les brigands, les sentinelles ouvrent l’œil parce qu’on n’est pas encore habitués à cette guerre‑là26. 27 Libermann, 1917. Il raconte la campagne du lieutenant Mazurier, à la 122e DI, 58e bataillon de chas ... 41Six jours plus tard, il part relever le régiment qui se bat depuis 10 jours, il restera au front du 6 novembre au 3 décembre. Henri Libermann précise que les hommes sont obligés de faire des petits tas de pierres et de broussailles pour baliser leurs itinéraires et ne pas se perdre27. Ils sont couverts de vermine et n’ont pu se laver pendant tout leur séjour au front, car seul, un peu d’eau boueuse dans les bas‑fonds est disponible. Puis le froid vient compliquer la situation, des températures de 22 ° au‑dessous de zéro, du vent, de la neige… 28 Saison, 1918, p. 121 à 123. Il rapporte le récit du docteur Ligouzat. Le vent rend le froid intolérable ; il fait tourbillonner la neige qui comble les tranchées et les boyaux, et pénètre jusque dans les abris ; en travaillant nuit et jour, on n’arrive pas à les déblayer […] La neige […] rend toute observation impossible. Les cils sont perlés de glaçons, la capote devient en quelques minutes une chape hérissée d’aiguilles de glace. Des hommes vigoureux pleurent dans la tranchée à la fois de douleur et de rage de se sentir à bout. Les jeunes gens arrivés avec les derniers renforts sont les plus atteints. Sous la tempête de neige, quelques‑uns erraient comme des fous. Un […] se plaint mes parents sont à Lille, qu’est‑ce que je viens faire ici ? » Les anciens du régiment, des réservistes de trente à quarante ans, mariés pour la plupart, les réconfortent et les aident paternellement Allons, gosse, donne‑moi ton fusil et va te réchauffer au brasero. Tu reviendras dans 20 minutes »28. 42La neige gêne également le ravitaillement, et les hommes restent quatre jours sans approvisionnement. Le 22 novembre, arrivent enfin des vêtements chauds et de la nourriture. Les Français tiennent les positions jusqu’à l’offensive bulgare du 24 novembre ; de ce point élevé, ils suivent les opérations dans la vallée du Vardar et les tirs d’artillerie bulgare qui prennent pour cibles les trains alliés. Lorsque l’ordre de repli est donné, les batteries de montagne sont ramenées vers le bas, et les munitions portées sur des traîneaux vers les radeaux qui ne peuvent plus fonctionner, car le Vardar charrie des blocs de glace… Ces conditions naturelles font comprendre facilement le désarroi des soldats. 29 Villebonne, 1919, p. 111 ; Arène, 1916, p. 73 à 75. 43Les combats sont pourtant impressionnants. Quand Julien Arène parvient au village de Kara Hodzali, le point ultime de l’avancée des Français vers le nord, il constate que les tranchées sont entourées de monceaux d’ossements », creusées dans les crânes, les tibias aussi nombreux que les pierres ». Henri Amour de Villebonne rapporte que dans ces combats, le 242e de la 57e DI a perdu le tiers de ses effectifs, les isolés du régiment qui ont pu s’échapper, racontent que l’ennemi a massacré tous les prisonniers faits dans l’action29 ». 44Sur la rive gauche, les combats ne sont pas moins sauvages pour la conquête de Cicevo‑le‑haut passage d’un torrent à pied dans l’eau glacée de novembre, charge à la baïonnette ; finalement le 18 novembre, les Bulgares rompent la liaison entre les Français et les Serbes. Dans le secteur de Stroumitza, le rythme est comparable, l’avancée française se termine le 11 novembre, le 16 novembre, le repli commence dans une atmosphère de panique ; les officiers donnent l’impression à Ernest Stocanne de ne savoir que faire. Villebonne décrit ainsi le combat de la fosse de Cernitz, le 11 décembre 30 Villebonne, 1919, p. 132-137. Au bas, dans le ravin sous les tirs croisés, des files entières de Bulgares culbutent, s’effondrent la tête la première. Un chaos terrible grouille parmi le sang et la fumée dans cette fosse béante. Sans arrêt pourtant, il en sort toujours de ces foules acharnées. On dirait que la montagne les enfante à mesure […] Ils sautent dans le ravin par dix et quinze à la fois […] Et, peu à peu, chose sinistre, un amoncellement de blessés, de morts, de râlants, comble l’immense tombeau au‑dessus duquel foudroie l’implacable tir de nos lignes. Et maintenant, on ne distingue plus rien le val est nivelé30. 45Patrick Facon montre que les troupes engagées dans cette campagne ont été surprises par cette nouvelle forme de guerre. Il s’appuie sur le nombre relativement important d’abandons de poste, de désertions en présence de l’ennemi ainsi que de désertion à l’étranger ; le nombre de condamnations rendues pour ces trois délits s’élève à 44 pour les mois d’octobre et de décembre. 46La retraite qui suit l’échec de cette offensive impose aux hommes de marcher jour et nuit. Le relief, la précarité des routes, le dynamisme des poursuivants, les conditions météorologiques et l’épuisement des hommes la transforment en véritable martyre. 31 Facon, 1977, p. 267. Nous ne sommes ni plus ni moins qu’une ombre humaine. Beaucoup de camarades sont morts de fatigue pendant la retraite. Ceux qui nous ont envoyés en Orient doivent en avoir gros sur la conscience, car c’est une belle gaffe. L’on y est allé un mois trop tard et encore. Nous avons supporté 23 ° de froid au‑dessous de zéro. Je vous assure que cette campagne de Serbie a été un enfer pour tous31. 32 Libermann, 1917, p. 215-219. Sur la route comme dans les champs, partout des débris d’armes, d’étoffe, des bâts de mulets, des sacs de cartouches et de vivres […] La route est jonchée d’objets abandonnés sacs, armes, bâts, affûts, la plupart brisés ou endommagés. Des chevaux morts, les yeux déjà vitreux, les pattes en l’air, le ventre énorme bordent les fossés. D’autres se traînent les reins brisés, les pattes cassées et, au milieu d’eux, des soldats couchés sur le dos ou sur le ventre, les poings crispés dans une dernière convulsion. Quelques agonisants râlent sans fin ou lèvent des mains gémissantes, suppliant qu’on leur donne à boire […] et puis, un groupe de blessés, marchant tant bien que mal, la tête ou le bras enveloppé d’un pansement sommaire, couverts de sang, trébuchant de fatigue, hideux32. 33 Ibid., p. 222-223. Vers le pont, c’est une bousculade formidable, une cohue épouvantable, tout à coup la rafale bulgare venant de Seskovo s’abat sur cette masse grouillante. Il y a un moment de panique…, des cris affolés montent jusqu’aux nues, et les batteries font rage, écrasant les bivouacs, les rives, les groupes sous un déluge de projectiles. Le désarroi devient inextricable. Des chevaux se cabrent, s’abattent, se redressent pour retomber encore ; des cavaliers galopent à toute bride, sabrent les camarades pour fuir plus vite ; des camions, des voitures de toute sorte s’entrechoquent, se brisent, roulent dans les fossés ; des piétons courent dans toutes les directions33. Figure 4 Chaque passage de pont est un moment difficile le pont du Sarantaporos à la frontière gréco‑albanaise, un pont ottoman en dos d’âne aménagé » pour les voitures. © L’illustration, 3 février 1917, no 3857, p. 103, APA 34 David, 1927, p. 126. David est le neveu du président Sadi Carnot, il était attaché aux services de ... 47Tous les témoignages concordent sur les conditions insupportables de la retraite. Le passage des gorges des Portes de fer est l’un des moments les plus impressionnants, la gorge, le fleuve qui gronde, deux ponts métalliques mal réparés après les guerres balkaniques, des tunnels, un étroit sentier le long des parois, des torrents à passer à la nage… Les conditions météorologiques sont extrêmement mauvaises au point que Robert David compare cette retraite à celle de la Grande Armée perdue dans les neiges de Russie, Villebonne fait également la même comparaison34. Peu à peu, les soldats allègent le paquetage en abandonnant du matériel sur le chemin, l’artillerie, faute de chevaux, doit, elle aussi, abandonner batteries et munitions. Les soldats reçoivent l’ordre de ramasser, quand ils le peuvent, tous les troupeaux qu’ils rencontrent et de les guider jusqu’à Demir Kapou pour ne rien laisser à l’ennemi, et de brûler des villages. 48Les hommes qui franchissent la frontière après Gevgueli sont une armée de désespérés ; mais, malgré la fin du danger, les conditions de leur installation sur le sol grec sont si mauvaises qu’elles ne font pas pour autant cesser leur calvaire. Ils se trouvent dans une zone de marécages où, pendant plusieurs jours, il pleut sans arrêt ; hommes et bêtes s’enlisent, les provisions disparaissent dans la boue qui s’infiltre dans les chaussures ; perdus dans les marécages, ils craignent aussi les réactions négatives des Grecs de la région. 35 Villebonne, 1919, p. 146-147. Une détresse infinie embrume l’âme de ces malheureux errants qui depuis trois semaines fuient à travers les cercles de l’enfer balkanique, pour échouer après un déluge de feu et de mitraille dans l’ordure de ce marais croupissant. Véritablement on s’interroge anxieusement pour savoir si on pourra démarrer de ces vases35. 36 Olier & Quénec’hdu, 2016. Le recensement des hôpitaux militaires installés pour des blessés de l’ar ... 37 Julia, 1936, p. 30 et 32. Julia était médecin. 49Dans la même période, les survivants de l’armée serbe sont embarqués entre Valona et Durazzo, sur des bateaux français ; 160 000 d’entre eux sont convoyés, une petite partie vers Bizerte, 131 000 vers Corfou36. L’île apparaît aux soldats français comme une villégiature, une citadelle d’agrément », qui a l’aspect féérique de Monaco37 », mais il y a une tragédie derrière cette façade ». Les soldats serbes dont la retraite fut pire encore que celle des Français sont mourants, frappés par la sous‑alimentation, la dysenterie, le typhus, le choléra 38 Ibid., p. 33. On assiste à un défilé de fantômes […] Couverts de loques sordides que perce leur carcasse, n’ayant parfois sur le corps qu’un caleçon de coton et une capote en lambeaux, les jambes emmaillotées de lanières faites de débris raboutés, les pieds protégés par des roseaux, des cuirs et des chiffons bourrés, ils offrent le spectacle du dénuement le plus ignominieux […] ils sont vidés par la famine, ce ne sont plus des sacs de sang, mais des paniers qui laissent passer l’eau, et leur peau ne les habille point, comme celle des vieillards ; rétractée en un parchemin, elle s’use jusqu’à la transparence38. 50Le rapport du lieutenant‑colonel François fait savoir que quand les hommes débarquent sur l’île de Vido, on les répartit en trois groupes 39 SHD, 7 N 2191. Ceux qui étaient condamnés et qu’il n’y avait aucun espoir de sauver étaient envoyés au lazaret pour y mourir ; les malades que l’on pensait pouvoir guérir demeuraient à Vido dans l’attente d’un transport ultérieur sur Bizerte ; le reste était envoyé à Corfou39. 51La reconstitution de cette armée, à la fin du printemps, aboutit à équiper 115 000 hommes qui, en mai 1916, sont acheminés à Salonique. La contre‑offensive alliée d’Ostrovo à Monastir, août‑novembre 1916 52Cette opération voit les alliés français, serbes, russes reconquérir les terrains envahis par les Bulgares au mois d’août 1916. Elle s’est trouvée arrêtée à deux reprises, face à des retranchements bulgares fortement organisés, au niveau de deux villages du bassin de Monastir, Petorak, à l’Est de Florina, et Kénali, à égale distance de Florina et de Monastir. Dans les deux cas, on nous décrit des opérations violentes où l’armée française, sans réelle protection, part l’arme au poing vers des villages bien défendus et ainsi… le 6 octobre 1916, à Kénali, 800 soldats de la 17e DIC furent tués en 10 minutes à 12 h, le bilan de la journée est de 1500 morts français et 600 Russes… pour un échec La 17e DI a été massacrée dans des attaques aussi stériles que sanglantes, insuffisamment préparées par l’artillerie et données sur des points les plus forts des lignes de Kénali. Elle y a laissé 100 officiers et 6 400 hommes. Ce qui reste est épuisé […] rapporte le général Cordonnier au général Sarrail. 53Ces opérations concernaient la prise de Monastir et l’installation des Français. La première entrée des Serbes dans la ville avait eu lieu le 19 novembre 1912. La cité est ensuite occupée par les Bulgares du 4 décembre 1915 au 19 novembre 1916. Quand les Français y pénètrent, ils trouvent une ville dont les ressources ont été épuisées ou emportées par les Bulgares et ils n’ont plus l’élan nécessaire pour poursuivre au‑delà de 5 kilomètres au nord, ce qui fait que Monastir reste, jusqu’en septembre 1918, la cible des artilleurs bulgares. Quand les alliés reprennent la contre‑offensive, il leur faut 4 mois pour repousser les Bulgares de 26 kilomètres, et les Bulgares en partant pratiquent, eux aussi, la politique de la terre brûlée… Les débuts de la grande offensive décisive, 15‑30 septembre 1918 40 SHD, 20 N 536. 54Cette offensive rassemble des Français et des Serbes. Les archives du contrôle postal contribuent à remplacer les témoignages qui manquent. Un rapport du 17 décembre 1918 a été fait par le général Henrys sur l’état matériel et moral des troupes. Il montre que les combattants qui ont tant souffert n’ont pas pris conscience dans les quinze premiers jours de cette nouvelle offensive qu’ils détenaient une des clés de la victoire. Sur 1 750 lettres lues le 27 septembre, 15 seulement sont enthousiastes, 193 sont optimistes, et 1 095 sont marquées par l’indifférence40, l’armée ne croit plus à un renversement de situation, il faudra attendre la mi‑octobre pour que les réactions s’inversent. Il faut dire que les conditions matérielles ne changent pas, et que la marche sur Üsküb s’effectue, de nouveau, dans des conditions déplorables ; ce sont une fois de plus des hommes malades, insuffisamment nourris ils tuent parfois des animaux malgré l’interdiction, pour manger et avoir de la graisse, mal vêtus, mal chaussés, on ne peut qu’admirer les quinze enthousiastes » 41 Ibid., un fantassin du 34e RI. Tu n’en croirais pas tes yeux si tu voyais ce pauvre régiment, une armée de guenilles, c’est pitoyable, c’est honteux ; les trois quarts des poilus n’ont pas de pompes, d’autres, pas de falzar, souvent ni l’un ni l’autre. Hélas, je suis de ceux‑là ; oui, mon petit, ni tatane, ni fourreau, ni même un caleçon, et pour la croûte, cela ne va guère mieux […] pain moisi. On se démerde, on vole, on maraude41. 55Il ne s’agit ici que de quelques‑unes des opérations de la guerre de Macédoine, mais, si l’on fait abstraction des détails des combats, les grandes lignes du vécu des hommes restent identiques. Un manque de connaissances ou de prise en compte des conditions locales a fait que, comme en Crimée, les épidémies ont tué trois fois plus que le feu, et que le soldat a toujours l’impression d’un sacrifice inutile.
un tirailleur en enfer résumé de chaque chapitre